photo courtesy Stephen Kilvington • www.airliners.net
L'arme aérienne a toujours eu quelque chose de prestigieux pour les États, quelle que soit la nature de leur régime et bien sûr quels que soient leurs moyens financiers. Elle est souvent considérée comme un symbole de souveraineté et pour l’ensemble de ces raisons, il n’existe que très peu de pays qui en soient dépourvus, à moins d’une volonté idéologique.
On peut ainsi distinguer trois catégories de pays dans le monde :
• ceux qui possèdent une industrie aéronautique propre et qui par conséquent s’équipent de matériels neufs par ce biais,
• ceux qui ne possèdent pas d’industrie aéronautique propre, ou encore incapable de couvrir tous les besoins envisagés, mais qui ont les moyens de s’équiper auprès des premiers en matériels neufs,
• ceux qui n’ont aucune capacité industriel dans le domaine aéronautique, qui n’ont qu'épisodiquement les moyens financiers d’acquérir du matériel neuf et qui sont donc contraints de s’équiper en matériel d’occasion auprès des deux premiers voire parfois entre eux.
Appartenir aux deux premières catégories n’empêche pas les pays concernés aussi bien de s’équiper en matériels neufs chez d’autres, que d’acquérir des appareils de seconde main à certaines occasions ou dans certains domaines.
Les appareils russes et chinois sont très largement représentés au sein de la troisième catégorie, aussi bien sur le marché neuf que celui d’occasion. La raison en est d’abord que ces équipements représentent une bonne alternative à bas coût par rapport à l’offre des constructeurs occidentaux et une alternative incontournable pour tous ceux qui ne veulent pas du matériel occidental pour des raisons idéologiques ou géopolitiques. Surtout, le régime soviétique a su se montrer plus généreux avec ces pays que les gouvernements occidentaux, n’hésitant pas parfois à financer à perte l’équipement de ces petites forces aériennes, souvent disproportionnées au regard de leurs besoins réels quand ce n’était pas à la limite de l’indécence face au dénuement de la population. Les deux exemples complémentaires du Soudan et de l’Ouganda viennent idéalement illustrer cet état de fait : quand le premier a acquis douze MiG-29SE en 2004, le second prétextant devoir répondre à cette nouvelle menace, s'est offert un petit caprice avec l'achat de six Su-30MK, grâce aux pétrodollars issus des récents gisements du lac Albert...
L’effondrement du bloc soviétique fit apparaître une large quantité de matériel sur le marché de l’occasion. Il s’agissait des pays du pacte de Varsovie souhaitant se défaire d’une partie de leur ancien parc pour financer l’achat de matériel occidental neuf ou d’occasion, comme la Pologne ou la Roumanie par exemple : la première a acquis des F-16C/D block 52 flambant neufs, tandis que la seconde tente d’acquérir aujourd’hui des F-16 portugais au moins de seconde main sinon de troisième main, certains appareils ayant été ponctionnés dans les rangs de l’USAF. Cela concerne également les anciennes républiques soviétiques nouvellement devenues indépendantes, comme par exemple l’Ukraine qui proposa ses MiG-29 à la vente (partis en Azerbaïdjan et en Algérie) pour ne garder que les Su-27, incapable de maintenir en état de vol les deux familles d’appareils. D’autres pays firent de même comme la Biélorussie (au Pérou et à l’Algérie) ou la Moldavie, née de sa scission avec la Roumanie et qui fournit quelques Fulcrum au Yémen, à la Roumanie, à l’Erythrée et même aux États-Unis...
Ils se trouvaient ainsi à concurrencer directement la société Mikoyan-Gurevitch qui avait continué à produire, certes à un rythme plus lent entre 1992 et 1996, des Fulcrum neufs, dans l’espoir que les commandes étatiques russes redémarrent. Elle se retrouva ainsi avec une bonne centaine de ces « queues blanches » qu’il fallut vendre comme appareils neufs face à la concurrence des anciens pays satellites et leur offre d’occasion. Le seul moyen un tant soit peu efficace utilisé par Moscou pour contrer ce marché parallèle fut d’interdire la fourniture de pièces détachées dans ces ventes indirectes.
Un marché similaire existe néanmoins pour les appareils occidentaux. Les États-Unis, en premier lieu, sont coutumiers de ce comportement, retirant certains appareils pour les stocker sur le célèbre site de Davis-Monthan, dans l’Arizona, choisi pour son climat propice a accueillir ces appareils. Ainsi, nombre de F-4 ou de F-16 furent sortis de leurs plus ou moins longue léthargie désertique pour être cédés. Et quand cela ne suffit pas, les appareils sont directement retirés des unités opérationnelles pour alimenter rapidement une vente. Par exemple le contrat de location Peace Cæsar passé en 2001 avec l’Italie fut honoré en reconditionnant des F-16 stockés sur cette base ou les premières livraisons de F-4E à l’Egypte, rendues possibles en ponctionnant le 31st TFW.
Et ils ne sont pas les seuls à proposer des appareils possédant encore un peu de potentiel sur le marché de l’occasion, comme la France ou l'Allemagne. Cela profite particulièrement aux armées qui utilisent un type d’appareil identique à celui qu'un autre pays est en train de retirer de son arsenal. S'en porter acquéreur lui permet ainsi de maintenir en ligne ses propres unités. Comme nous allons le voir, la Turquie ou l’Espagne usèrent largement de ce procédé.
Les dossiers précédents ont montré qu’à contexte et matériel équivalents, deux pays limitrophes pouvaient choisir des camouflages différents, ce qui montre la subjectivité du résultat attendu et obtenu. On pourrait citer le cas des Hawk vendus à divers pays du golfe Persique avec autant de livrées différentes, les Mirage 2000 Qataris et émiratis qui malgré les apparences portent des couleurs différentes, les F-15 israéliens et saoudiens d’un côté et les F-4E israéliens et égyptiens de l’autre. Plus anciennement, on peut regarder la livrée différente entre les MiG-21 ou 29 polonais d’une part et est-allemands d’autre part, en gris pour la supériorité aérienne pour les premiers et en livrée à dominante sombre vert et marron pour les seconds.
La logique de ces choix est multiple et touche aussi bien à la volonté de chaque pays de se démarquer qu’à la recherche d’une efficacité réelle, autant d’éléments qu’il faut mettre en balance avec les traditions issues d’une histoire aéronautique plus ou moins longue ainsi qu’avec la possibilité offerte par les constructeurs de profiter de livrées préexistantes que j’avais désignées par ailleurs comme « catalogues » et que l’on peut ainsi retrouver dans des armées de l’air différentes.
Sur ce marché de l’occasion, et fort de ce qui vient d’être évoqué, les avions acquis par ce biais sont généralement repeints dans leurs nouvelles couleurs ; ceci concernant aussi bien leur marquages de nationalités, bien sûr, que leur livrée. Et parfois... non !
Cela peut donner lieu à des situations intéressantes en termes de combinaisons dans les cas où des avions conservent leurs anciennes livrées avec le seul remplacement de leurs cocardes et des insignes et autres écussons d’unités.
Ce dossier propose donc un petit florilège illustrée non exhaustif.
Nota bene : Il suffit de passer la souris sur le profil pour découvrir l'appareil dans sa nouvelle version.
Identification d'origine | Immatriculation Espagne | Identification d'origine | Immatriculation Espagne | |
---|---|---|---|---|
QA71/A | C.14C-74 | QA81/K | C.14C-83 | |
QA73/C | C.14C-75 | QA62/U | CE.14C-85 | |
QA74/D | C.14C-76 | QA63/V | CE.14C-86 | |
QA75/E | C.14C-77 | |||
QA76/F | C.14C-78 | 54 | C.14-88 | |
QA77/G | C.14C-79 | 67 | C.14-89 | |
QA78/H | C.14C-80 | 71 | C.14-90 | |
QA79/I | C.14C-81 | 73 | C.14-91 | |
QA80/J | C.14C-82 | 506 | CE.14-87 |
Pays | Quantité et type | Pays | Quantité et type | |
---|---|---|---|---|
Commande directe | 32 F-104G | Pays-Bas | 21 F-104G | |
4 TF-104G | 22 RF-104G | |||
Commande directe | 40 F-104S | 10 TF-104G | ||
Espagne | 9 F-104G | Norvège | 3 CF-104 | |
2 TF-104G | 9 RF-104G | |||
Belgique | 18 F-104G | 1 TF-104G | ||
Canada | 46 CF-104 | Allemagne | 170 (T)F-104G | |
6 CF-104D | ||||
Total | 393 appareils |
Immatriculation SAAF | Immatriculation Gabon |
---|---|
217 | TR-KMP |
219 | TR-KMQ |
236 | TR-KMN |
239 | TR-KML |
241 | TR-KMM |
244 | TR-KMO |
Numéro de série | Dernier code français | Dernière affectation | Immatriculation Brésil |
---|---|---|---|
13 | 5-NM | EC 1/5 Vendée | 4946 |
15 | 5-NA | EC 1/5 Vendée | 4944 |
21 | 5-OZ | EC 2/5 ÃŽle-de-France | 4949 |
22 | 5-ND | EC 1/5 Vendée | 4945 |
25 | 5-NU | EC 1/5 Vendée | 4940 |
29 | 5-NO | EC 1/5 Vendée | 4941 |
32 | 5-NQ | EC 1/5 Vendée | 4943 |
34 | 5-OJ | EC 2/5 ÃŽle-de-France | 4942 |
35 | 5-NL | EC 1/5 Vendée | 4948 |
36 | 5-OC | EC 2/5 ÃŽle-de-France | 4947 |
502 | 5-OH | EC 2/5 ÃŽle-de-France | 4932 |
513 | 5-OI | EC 2/5 ÃŽle-de-France | 4933 |
Modèle | Immatriculation Luftwaffe |
---|---|
MiG-21SPS/M | 22+xx |
MiG-21MF/UM | 23+xx |
MiG-21 Bis/US | 24+xx |
MiG-23MF/BN | 20+xx |
Su-22M4 | 25+xx |
MiG-29 | 29+xx |
D'autres cas auraient pu être intégrés à ces exemples, mais ne correspondaient pas tout à fait à la logique retenue ici. En échange de la reconnaissance d’Israël par l’Egypte - concrétisée par les accords de Camp-David en 1979 - le gouvernement américain avait mis dans la balance la fourniture de matériel militaire pour pallier la perte annoncée de ses bailleurs de fonds arabes pour du matériel soviétique. Ainsi, l’Egypte reçut des F-4E tout simplement extirpés d’une unité de l’US Air Force. Ils se retrouvèrent avec leur livrée SEA sous les couleurs égyptiennes, avec encore visible sur certains comme le F-4E 66-0341 [1], un badigeon sur la cocarde américaine. Par la suite, une livrée « Egypt One » fut testée à laquelle on préféra Hill II. Mais ce cas n'est pas exceptionnel en soi, car cette livrée n'a rien de surprenante dans les pays de la région, Grèce et Turquie l'utilisant également. On a pu voir la livrée SEA chez d'autres clients du F-4 Phantom II comme l'Espagne, l'Australie ou la Corée du Sud.
Le Turkmenistan et l'Azerbaïdjan se font face, séparés par la mer Caspienne, en Asie centrale. Et le premier fournit quelques MiG-29 au second. La livrée turkmène [2], appliquée après la chute de l'URSS et l'acquisition de l'indépendance était composée de trois tons de bleu en extrados. Une fois passés aux mains de leur nouveaux propriétaires azéris, la persistence des trois mêmes couleurs peut laisser penser que la livrée fut conservée telle quelle mais leur disposition fut modifiée pour des séries altérnées de bandes ondulées transversales.[3] [4] La numérotation sur l'entrée d'air des réacteurs semble avoir également été changée : selon le système soviétique, il s'agit des deux derniers chiffres du numéro constructeur, alors qu'ici, ils semblent numérotés de manière continue à partir de 01 ; mais c'est une information difficile à vérifier. Surtout, leurs cocardes originales étaient déjà exotiques, mais ces Fulcrum n'ont rien perdu lors de l'application de leurs équivalents azéris.
Un cas amusant, car inverse, est celui des Skyhawk cédés par Israël à l’Indonésie, dont au moins un fut repeint avec la livrée en deux tons de gris et un ton de bleu de cette dernière tout en conservant encore un temps les étoiles de David... [5]
Dans de nombreux autres cas, les appareils nouvellement acquis sont repeints. On constate ainsi l'apparition de livrées souvent très colorées car la plupart de ces transactions se déroulent dans des pays africains ou du Sud-Est asiatique d'abord du fait de leur géographie constratée et ensuite parce que leurs achats concernent essentiellement des appareils d'attaque au sol ou de lutte anti-guérilla, comme les Su-25 ivoiriens (acquis auprès de la Biélorussie) ou tchadiens (acquis auprès de l'Ukraine), par exemple, – qui livrent partout dans le monde où ils sont employés, des camouflages variés et colorés – ou à travers la possession de nombre d'hélicoptères, encore une fois le plus souvent d'origine russe Mil Mi-8 ou 24 et leurs dérivés.