photo courtesy Stephen Kilvington • www.airliners.net

Un monde en couleurs (le camouflage - 1re partie)

Le principe du camouflage est simple : il s´agit de l´art de la dissimulation par mimétisme avec l´environnement, très largement illustré par le monde animal qui regorge d´exemples frappants d´efficacité aussi bien dans le domaine offensif — la prédation — que défensif — la survie.
Considérons l´exemple du zèbre rayé de noir et blanc. Pourtant la savane qui l´abrite présente une dominante ocre et verte. Pourquoi cela marche-t-il ? D´abord, parce que vivant en troupeau, la succession des rayures perturbe la vision des prédateurs qui peinent ainsi à isoler un individu dans le groupe, ensuite les deux couleurs noire et blanche semblent davantage perturber encore les prédateurs que n´importe quel autre couleur et dont le mouvement génère un effet stroboscopique. Également rayé, le tigre applique, lui, les couleurs de son milieu, les hautes herbes ou le sous-bois. Même repéré, la compréhension de son déplacement est compliquée par ses rayures. À cette première forme de camouflage passif, ces animaux ajoutent le silence et la dissimulation de leur odeur en prenant garde au sens du vent.
On constate ainsi que les règles de base du camouflage visuel concernent d´abord la forme et la couleur. Les militaires résument les règles à suivre par l´acronyme FOMECBO pour forme, ombre, mouvement, éclat, couleur, bruit, odeur. Dans un premier temps, il s´agit de ne pas être vu du tout et dans un second temps, si l´adversaire a bien perÇu votre présence, le camouflage doit encore permettre de perturber l´appréciation de votre mouvement : où allez-vous ? Dans quel sens êtes-vous ? Êtes-vous en train de vous approcher ou de vous éloigner ?

Un sniper est embusqué dans de hautes herbes

De l´art du camouflage

Le principe qui prévaut depuis la Première Guerre mondiale dans le camouflage des avions concerne donc essentiellement forme et couleur, cette dernière devant alors être en relation avec l´environnement et sa disposition modifier l´apparence de l´appareil. Les premiers avions engagés ont servi à la reconnaissance du front et quand à leur tour les premiers chasseurs ont commencé à marauder, ils volaient généralement plus haut que les avions de reconnaissance. C´est pour cette raison que l´extrados s´est trouvé orné des couleurs rappelant celles du sol espérant diminuer leur visibilité depuis le ciel. Si certains chasseurs ont appliqué les mêmes principes avec une dominante de vert et de marron sur l´extrados et de bleu ou de gris sur l´intrados, la philosophie de la chasse à cette époque n´imposait pas systématiquement l´emploi de ce subterfuge. Certains préféraient être particulièrement visibles en choisissant le rouge intégral... comme l´as allemand Manfred von Richthofen. C´est pourtant de son pays, l´Allemagne, que vint à partir de 1917, le premier exemple d´un camouflage que l´on ne peut pas encore appeler numérique. Le « Losenge-Tarnung » n´est pas une application de larges zones de couleurs environnementales mais une disposition de petits polygones de quatre à cinq couleurs différentes qui reprend le principe du pointillisme en peinture : par le mouvement, le motif se fond avec l´arrière-plan. Paradoxalement, ce n´est pas la présence de rose ou de violet qui éventait le subterfuge mais celle de marquages d´unités ou de nationalités disproportionnées...

Usurpation d´identité

Le meilleur moyen de se camoufler est de se faire passer pour ce qu´on n´est pas. La nature use et abuse de ce procédé (prenez l´exemple du phasme). Dans l´aéronautique militaire, on cherche avant tout à ne pas être vu ou alors à perturber la perception de l´observateur quant à sa forme et ses mouvements. Faire ressembler un avion à un autre est un moyen rarement utilisé. Il s´est trouvé employé dans le seul cadre du DACT afin d´immerger au maximum le pilote en formation. Non seulement, il affronte un avion différent du sien, mais si en plus celui-ci pouvait vraiment ressembler à l´appareil qu´il sera susceptible de rencontrer, c´est encore mieux.
C´est ainsi que dans les années 1980-1990, certains avions assignés à ce type d´entraînement se sont retrouvés affublés de la silhouette d´un autre avion, le plus souvent russe, le plus souvent un MiG.

Deux appareils de l´US Navy testèrent de telles peintures dans les années 1980 : Des A-4 Skyhawk qu´on a recouvert de la silhouette du MiG-17.
• A-4E BuNo 150023 / 56 rouge (unité inconnue, avril 1982)
• TA-4J BuNo 153683 / 06 rouge puis 12 rouge (VFA-127 Desert Bogey, 1983-1987) avec trois étapes dans l´évolution de la livrée :
1- Silhouette en ocre et marron foncé, peu de contraste entre les deux teintes. Les photos sont rares, il s´en trouve quelques-unes dans le Colors & Markings #6 - U.S. Navy Adversary Aircfrat, p. 76, qui vient contredire les propos de David W. Aungst qui parle d´une simple silhouette marron unie. On voit bien les deux tons sur cette photos même si les couleurs ne paraissent pas être celles décrites en légende.
2- Silhouette surlignée de noir, voir la même source, en milieu de page.
3- La teinte ocre est remplacée par du sable, offrant un plus grand contraste avec le marron conservé.

F/A-18A de l´Ala 21 de l´Ejército del Aire en livrée désertique et portant des éléments d´identification du MiG-29
F/A-18A de l´Ala 21 de l´Ejército del Aire
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Schéma MiG-29 brown – NSAWC
FS 30117 FS 30279 FS 36320 FS 34097
Comme souvent chez les Aggressors, ce sont des teintes chaudes du désert qui sont appliquées même si dans les faits, aucun pays à cette époque (1993) n´avait de Fulcrum peints de la sorte. Le seul pays équipé de MiG-29 avec ce type de camouflage est aujourd´hui le Yémen. Mais les premiers appareils arborant une livrée désertique furent livrés à partir de 2001. Ce Hornet ex-Aggressor de l´US Navy est ici dans sa configuration espagnole.
La bande noire inclinée sous les apex représente les entrées d´air, les hachures sur les apex symbolisent les entrées d´air auxiliaires caractéristiques de MiG-29A servant à alimenter au sol les réacteurs quand une trappe vient fermer les entrées d´air principales afin d´éviter toute ingestion de corps étranger – le Fulcrum étant appelé à être déployé sur les terrains sommairement aménagés – le triangle noir au sommet de la dérive rappelle la forme particulière de celle du MiG-29, de même pour le large cône de nez noir. La flèche plus accentuée des ailes du fulcrum est également représentée sur l´extrados de la voilure. Sous l´immatriculation C-15.77 sur la dérive, se trouvait un drapeau libyen.

La VFA-127 Cylons reste coutumière du fait avec ses F/A-18 sur lesquels cette fois, c´est l´aspect d´un MiG-29 Fulcrum que l´on a tenté de simuler. Certains de ces avions ont été vendus à l´Espagne qui les a conservés un temps avec cette livrée en se contentant d´effacer les marquages américains et d´apposer des marquages temporaires de l´Ala 21 de l´Ejército del Aire.

À noter que parmi toutes les livrées toutes plus colorées les unes que les autres, la JASDF a également repeint un de ses appareils dans la même optique en 1983. Un F-4EJ (07-8428) du 301 Hikotai s´est ainsi retrouvé affublé d´une silhouette de MiG-21 peinte en vert (livrée en bleu FS 35526 et silhouette en vert FS 34138).

P-51D Mustang ´Frenesi´ du 357th FG
P-51D Mustang ´Frenesi´ du 357th FG
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Livrée USAAC (spec. 24114 – 24/10/1940)
QM 41 (ANA 613) QM 43 (ANA 603)
Ce P-51D a la particularité d´avoir été la monture du Lt. Col. Hayes, d´un des rares pilotes à avoir affronté les deux adversaires des états-Unis durant cette guerre : les Japonais et les Allemands, comme en témoigne les marques de victoire sous son pare-brise.
Bien que très coloré avec son damier rouge et jaune — signe d´appartenance au 357th Fighter Group —, la présence des bandes d´invasions et le décompte de ses missions, on peut voir malgré tout la livrée en vigueur dans l´USAF avec une robe vert olive intégrale en extrados, avant le passage à l´aluminium naturel avec la conservation d´un simple panneau anti-reflets en Dark Olive Drab en avant du cockpit .

O tempora o mores

La Seconde Guerre mondiale relance l´art du camouflage aérien. La variété des théâtres d´opérations, la durée de la guerre et les variations climatiques offrirent autant de possibilités que les unités aériennes des différents pays engagés ne se privèrent pas d´utiliser. Cette influence de l´environnement est bien une base de l´art du camouflage défini par l´anglicisme « disruptif ». Pourtant le choix des couleurs et de leurs dispositions reste parfois compliqué à justifier notamment la définition des formes adoptées pour les différentes zones de couleur à appliquer. La définition de ces zones participe à compliquer la perception de la forme de l´avion et en conséquence doit être adapté à chaque modèle en service dans un inventaire donné. Il y a donc autant de livrées que d´appareil. Cela se vérifie partiellement avec le cas du Spitfire pour lequel on propose deux variations, les schémas A et B, l´un étant le miroir de l´autre. Deux schémas aussi efficaces l´un que l´autre ? Pas tout à fait, puisque seul le schéma A est conservé à partir de janvier 1941. On peut dire ainsi que le nom de la livré correspond à la combinaison des couleurs plutôt qu´à leur disposition.

Si les choix semblent avant tout visuels (l« l´avion se voit plus ou moins »), les documents existants les explicitent rarement. Pourquoi par exemple l´USAAC a-t-il retenu une livrée d´extrados unie en Dark Olive Drab, alors que les appareils de l´AVG, autrement appelés les « Tigres volants » présentaient un schéma en deux tons de vert et de marron foncé disposés en larges zones ? On constate à cette époque une réflexion particulière sur les flancs des appareils, c´est-à-dire la zone de transition entre un camouflage et un autre. L´extrados est camouflé pour se fondre dans le sol qui défile sous l´avion, l´intrados dans le ciel au-dessus. Mais l´avion évolue dans l´espace, tout comme l´adversaire. Les flancs sont donc le véritable sujet. Dans un premier temps, le Reichsluftfahrtministerium (RLM) préconise que les deux tons de vert (RLM 70/71) recouvrent complètement les flancs. Àprès la campagne de Pologne de septembre 1939, le bleu (RLM 65) remonte finalement sur les flanc, limitant le vert à la zone supérieure du fuselage et à l´extrados des plans horizontaux et finalement le RLM 02 vient remplacer le RLM 70. Le principe fut conservé avec le nouveau schéma de 1941 en RLM 74/75/76, mais on préconise toutefois un mouchetis afin de dégrader la délimitation franche.

Bf 109E-3 en livrée deux tons de vert RLM 70/71
Bf 190E-3 « Peter »
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Livrée Luftwaffe – 1939-40
RLM 70 RLM 71 RLM 65
Le Bf 109E-3 « Peter » est un avion bien connu alors qu´il n´existe qu´une seule photo de lui qui ne permet pas de la situer temporellement (campagne de Pologne ou de France) ni d´identifier l´unité représentée (le 15 rouge sans signe de Gruppe indiquerait un 2. staffel...).
Le faible contraste entre les deux tons de vert les rend souvent indiscernables sur nombre de photos noir et banc de cette époque. Ainsi outre les recommandations du RLM, on a pu penser que certains appareils ne s´étaient vus appliquer qu´une seule des deux teintes vertes en extrados. Aucun document ne mentionne cette pratique, si ce n´est des photos qui, si elles ne permettent pas de les voir, ne signifient pas que les deux couleurs ne sont pas là. Mais les circonstances de la guerre peuvent tout justifier.
Bf 109E-4 en livrée deux tons de vert RLM 70/71
Bf 109E-4 de la 9./JG54
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Livrée Luftwaffe – 1940
RLM 71 RLM 02 RLM 65
Cet appareil piloté par le Leutnant Waldemar Wübke en 1940, présente la nouvelle variante de la livrée en RLM 71/02/65 mais avec le bleu d´intrados qui remonte largement sur les flancs et des serpentins de RLM 02.
On voit bien le problème que pose cette délimitation avec tous les changements survenus : certainement en pleine phase de test de la future livrée RLM 74/75/76, un premier changement intervient au mois de mai 1940 avec le remplacement du RLM 70 par le 02, que dès août, le ministère de l´Air probablement pour suivre les retours d´expérience du terrain, agrémente d´une première tentative d´estompage de la délimitation par ces serpentins.

L´US Navy mène une réflexion similaire et retient finalement un dégradé du bleu océan mat (nonspecular Sea Blue) vers le blanc mat (nonspecular Insignia White), avec pour les grandes surfaces l´usage du bleu intermédiaire qui s´est finalement largement généralisé pour marquer cette transition.

Fw190A-4 de la JG 54 en livrée à dominante verte sur le front russe Fw 190A-4 de Hubertus von Bonin - Stab/JG 54
Quand le printemps fleurit en Union Soviétique, les chasseurs allemands reverdissent... Collection printemps-été 1943 !
Bf 109G-14/U4 entièrement peint en blanc durant l´hiver 1944-45 sur le front russe Bf 109G-14/U4 d´Erich Hartmann - I./JG 53
Et voilà la collection automne-hiver 1944 : une couche de blanc venue recouvrir la livrée classique. Cette peinture de mauvaise qualité commenÇait même à partir toute seule dès le printemps suivant. Pratique !

L´évolution des théâtres d´opérations participe évidemment à ces réflexions, parfois localement. Engagée dans le nord de l´URSS, la JG 54 opère au-dessus de vastes forêts verdoyantes ce qui incite finalement l´unité à délaisser le schéma officiel en RLM 74/75/76 pour une large variété de verts et de marrons, probablement issus de mélanges et d´emprunts de RLM 70/71 encore appliqués sur les bombardiers de la Luftwaffe avec lesquels ils partagent les terrains. L´hiver russe voit ce schéma simplement recouvert de peinture blanche avant de réapparaître au printemps suivant.
De son côté, la RAF justifie le remplacement du Dark Earth par l´Ocean Grey, à côté du Dark Green — on sentirait presque pointer la future livrée Europ One — par le fait qu´auparavant les combats étaient menés au-dessus de la seule Angleterre, justifiant l´emploi du Dark Earth. À partir de 1941, la zone des combats s´étend largement au-dessus de l´Europe continentale et inclut donc des zones maritimes ne serait-ce la Manche à traverser. L´Ocean Grey est alors un bon compromis.

Spitfire avec le schéma A en Dark Earth-Dark Green
Spitfire MkVb de J. Rankin au 92 Sqn - 1941
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Royal Air Force – schema A
Dark Earth Dark Green Sky Type S
Ce Spitfire MkVb QJ•J du Squadron Leader John Rankin, OC du N°92 Squadron entre février et septembre 1941 arbore le schéma A en Dark Green/Dark Earth pour l´extrados et Sky Type S en intrados. On trouve le schéma B sur d´autres avions de la même unité comme par exemple le QJ•S. La règle peu ou prou suivie est que le premier appareil d´une nouvelle tranche de production se voie appliquer le schéma A, le second, le schéma B et ainsi de suite en alternance tout au long de la tranche.
En août 1941, James Rankin a déjà obtenu 10 de ses 17 victoires, symbolisées par autant de ´Balkenkreuzen´ reportées sous son pare-brise. Le marquage « East India Squadron » rappelle le nom du N°92 Squadron ; l´écusson placé à côté reprend les armoiries de l´écosse — d´or au lion de gueules — d´où est originaire James Rankin.
P-51D Mustang IV en Dark Olive Drab et Neutral Grey
P-51D Mustang IV du No.19 Sqn
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Mustang IV en service dans la RAF
ANA 613 ANA 603 ANA 602
Le P-51 Mustang était à l´origine une spécification anglaise venue supplanter la volonté initiale d´acquérir des P-40. Le Mustang IV est la dénomination locale du P-51D ici en service au sein du N°19 Squadron qui avait été le premier à accueillir le Spitfire MkI en 1938.
Présenté ici pour illustrer le remplacement du Dark Earth par l´Ocean Grey, c´est pour ainsi dire un mauvais exemple, car produit aux états-Unis, il y fut également peint, avec les couleurs les plus approchantes disponibles sur place dont le Neutral Grey en lieu et place du l´Ocean Grey... Ce ne sont alors ni plus ni moins que les couleurs en vigueur dans l´USAF dans une disposition différente.

Tout comme pour la Première Guerre mondiale ces efforts entrent en contradiction avec la nécessité constante des armées d´assurer la meilleure identification possible à leurs appareils afin d´éviter toute erreur. Les marquages de nationalité ne cessèrent de changer de forme et de gagner en taille. Il s´agissait de ne pas les confondre avec ceux de l´adversaire, comme c´est le cas pour les Américains avec le point ou le liseré rouge d´abord, puis le simple cercle ensuite, ou simplement d´être parfaitement vu et reconnu comme pour les Anglais, où les cocardes sur les ailes des Spitfire atteignirent 1,42 m de diamètre (56 pouces), de la corde du bord d´attaque à la limite des volets de bord de fuite et 1,24 m (49 pouces) sur les flanc du fuselage. On y ajouta même les fameuses bandes d´invasion faites d´une alternance de noir et blanc, au moins à l´intrados des ailes et de la queue, quand celles-ci ne faisaient pas complètement le tour. Au nombre de cinq — blanc, noir, blanc, noir, blanc — de 45 cm chacune environ — elles étaient souvent peintes au balai-brosse ! —, c´est près de 2,30 m de camouflage qui était ainsi recouvert.

Fiat lux et lux fuit !

Malgré tous ces efforts de réflexion, c´est durant cette même période que les américains préférèrent se passer de tout camouflage pour diverses raisons, certaines justifiées d´autres beaucoup moins : l´économie de peinture et le gain de poids sont réels, le gain de performance beaucoup moins. On espérait un accroissement de la vitesse de 30 à 40 km/h, la réalité ne dépassa guère les... 5 km/h. Bref, à partir de la fin 1943, on ne conserva que les marquages de servitudes, d´unités et de nationalités.

F-4E Phantom II de l´armée de l´Air turque en livrée SEA
McDonnell Douglas F-4E Phantom II en livrée SEA
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Schéma SEA (South East Asia)
FS 34079 FS 34102 FS 30219 FS 36622
La Turquie conserva cette livrée jusqu´en 1995 et la mise à niveau de 54 de leurs Phantom par IAI sur le modèle des Kurnass 2000 israéliens sous la dénomination locale de F-4E 2020 Terminator. La livrée en vigueur passa alors au Hill II et ses deux tons de gris (FS 36118 / 36320).
Apparu en 1965 sur les premiers F-5A envoyés en test sur le théâtre d´opération vietnamien au sein de la VNAF qui lui donne son premier nom, la livrée SEA connut une longue pérennité. Particulièrement présente sur les F-4 qui fut largement exporté, on la retrouve ainsi en Turquie, donc, en Australie — également sur les F-111 —, Espagne, en Grèce, avec le F-104 ou le A-7H et au Portugal avec le A-7P ainsi qu´en Egypte ou en Corée du Sud. Avec le A-4, on a pu voir la livrée SEA à Singapour et en Malaisie et bien sûr largement au sein de l´USAF sur des F-105, divers hélicoptères et des C-130 Hercule dans toutes leurs versions eux-aussi exportés en grand nombre avec ces couleurs. Et honneur à l´original, Quelques F-5E/F de la RoCAF l´arborent également avec le gris FS 36622 en intrados ou en version « wrap around ».

Les conséquences se prolongèrent sur les premiers temps de la guerre froide. En effet, jusqu´au début des années 60, la plupart des appareils, - les chasseurs en tout cas et nombre de bombardiers — restent dans la lignée de la fin de la Seconde Guerre mondiale : métal nu. Ainsi en est-il des F-86, F-100, MiG-17, 19 ou 21 et autres Ouragan, SMB2 et Mirage III... déprimant ! Et vous n´en trouverez point ici !
Puis survint l´étincelle de la guerre du Vietnam et le retour de la peinture avec le désormais célèbre schéma SEA pour South East Asian, généralisation d´une première livrée dite VNAF pour Vietnam Air force ! Le monde aéronautique redevint multicolore, Des F-4, F-5, F-105, A-7, des avions de transports comme les C-130 Hercule, les hélicoptères UH-1, AH-1, etc. se virent parés de ces deux tons de vert (FS 34079/34102) et de ce marron (FS 30219) pour l´extrados avec un gris moyen (FS 36622) pour l´intrados quand la livrée n´était « wrap around ». Même L´US Navy, pourtant alors fermement accroché à son gris mouette (déjà...) après l´abandon du bleu océan brillant dès 1955, se laisse emporter par cette vague — un comble pour des marins —, en appliquant une livrée à dominante verte sur quelques-uns de ses A-6 Intruder et autres A-5 Vigilante eux aussi engagés au-dessus du Viêt-Nam. Et puis renonce finalement.

En Europe, une livrée rappelant curieusement celle qui était déjà en vigueur dans la RAF — qui pendant ce temps-là fait de la résistance — commence à apparaître en France, Allemagne ou Italie. Faite de vert et de gris ou de gris-bleu, elle se trouve appliquée sur les Mirage IIIR/RD, les F-104G (avec le Norm ´72 par exemple et les teintes RAL 7012 et 6014) comme déjà sur les Phantom, les Harrier et autre Hunter anglais.

Mirage 2000C en livrée défense aérienne en deux tons de gris et bleu
Mirage 2000C de l´E.C. 4/30 Vexin
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Après l´aluminium nu des Mirage IIIC et E, le bleu D.A. des Mirage F1C, le Mirage 2000 revient au schéma « disruptif » avec sa livrée en deux tons de bleu, ici sur un appareil basé à Djibouti qui montre la fin des camouflages désertiques français en Afrique — de même que les Mirage F1CR et CT présents au Tchad avaient fini par conserver leur livrée "Europe" métropolitaine en gris-bleu et vert.
On constate que la définition des zones de couleurs est identique d´une version à l´autre au sein de l´armée de l´Air avec les Mirage 2000N et D. Même quand on essaye une livrée désertique — dans le cadre des exercices Red Flag —, seules les couleurs changent, pas les zones.
Mirage 2000-5EI de la RoCAF et livrée en deux tons de gris
Mirage 2000-5EI de la RoCAF
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Livrée catalogue pour le Mirage 2000, comme en son temps pour le Mirage F1 : des zones à peindre de forme invariable, certainement issues d´études d´efficacité sur la silhouette de l´appareil, mais un choix de couleurs varié.
Voici l´exemple de Taiwan avec le Mirage 2000-5EI où les bleus ont été remplacés par des teintes plus désaturées.On peut noter toutefois une petite variation du schéma sous le cockpit.

On constate toutefois que tous les pays n´ont pas la liberté de choisir leur camouflage, certains constructeurs proposent « sur catalogue » des camouflages adaptés à tous les contextes géographiques qui se retrouvent ainsi dans nombre de pays clients, cela se vérifie particulièrement avec Russes et Américains avec le métal nu dans les années 1950-60, avec les livrées SEA ou Asia Minor ou même pour la France avec les Mirage 2000 ou F1, si les couleurs peuvent varier, le dessin des zones de couleurs ne change pour ainsi dire jamais.

F-5E Tiger II en livrée ASia Minor de l´armée de l´air jordanienne F-5E Tiger II de la Al Quwwat al-Jawwiya Almalakiya al-Urduniya
La livrée « Asia Minor » est une petite fenêtre ouverte sur la deuxième partie de ce dossier.

Un monde toujours en couleurs ?

Le gris mouette et les marquages basse visibilité reprennent néanmoins leur marche en avant avec la supériorité aérienne, la quête de furtivité et les peintures permettant l´absorption des ondes électromagnétiques.
Heureusement, une petite lueur existe, quelque part, des irréductibles peintres résistent encore et toujours...